24 août 2006

1er axe de réforme : donner davantage de moyens aux universités et aux étudiants

• Aujourd’hui, le budget de l’université en France est de 9,5 Mds d’euros (dont 0,3 Md de droits d’inscription) pour 1 400 000 étudiants dans les universités stricto sensu (pour 2 300 000 élèves et étudiants dans l’enseignement supérieur : 77 000 en CPGE, 110 000 en IUT, 190 000 dans les écoles de commerce et d’ingénieur, 230 000 en STS). Par comparaison, le budget de l’Université d’Harvard aux Etats-Unis est de 2,3 Mds d’euros par an pour 20 000 étudiants (dont 0,2 Md de droits d’inscription). L’allocation des ressources aux universités se fait notamment selon le système dit « San Remo » (pour plus de 1 Md d’euros) qui attribue une enveloppe à chaque établissement en fonction de ses effectifs, de sa surface, de ses « besoins » pédagogiques, ce qui entraîne une inflation des diplômes et un nivellement de la qualité sans aucune reconnaissance ou rémunération de la performance (par exemple à partir des débouchés offerts aux étudiants). L’évaluation des besoins pour une « remise à niveau » est d’environ 10 milliards d’euros nets sur 5 ans (2007-2012). Cette somme correspond à la fois au doublement du budget de l’Etat pour l’enseignement supérieur, à la mise à niveau prônée par la « stratégie de Lisbonne » de l’UE (faire passer les dépenses consacrées à l’enseignement supérieur de 1,1% du PIB aujourd’hui à 1,7% en 2012, c’est-à-dire au niveau de la moyenne des pays de l’OCDE) et au chiffrage avancé par Elie Cohen et Philippe Aghion dans leur rapport au CAE de 2004 « Education et croissance » : une hausse de 0,5 point de PIB pour l’enseignement supérieur – pour mémoire les Etats-Unis y consacrent, en % du PIB : 2,7, le Danemark 1,9, l’Allemagne 1 et le Royaume-Uni 1.

• La réforme ne pourra donc en aucun cas se faire à coût constant pour le budget de l’Etat. Un gros effort de l’Etat est nécessaire à la fois pour rattraper le retard d’investissement des dernières années, pour montrer la détermination politique à réformer l’enseignement supérieur et pour donner du « grain à moudre » à la négociation – condition indispensable de son acceptabilité.

• Mais ni le budget de l’Etat (hausse des impôts, réaffections de crédits…) ni la dette publique ne peuvent prendre en charge la totalité de cette hausse de la dépense pour l’enseignement supérieur. Ce n’est tenable ni du point de vue des finances publiques compte tenu de leur situation actuelle ni de celui de l’équité vis-à-vis de nos concitoyens puisque seulement un peu moins de la moitié d’une classe d’âge accède à l’enseignement supérieur (et que 20% de cette même classe d’âge dépasse le niveau bac+3). Les enfants issus de familles dont le chef appartient à la CSP « ouvriers » ne représentent que 10% des étudiants dans le supérieur alors qu’ils sont 33% issus des CSP enseignants, cadres et professions libérales – contre 20% et 10% du poids respectif de ces CSP dans la population active.

• La contribution des collectivités territoriales (régions et grandes agglomérations) doit être accrue. Les CT ont en effet un rôle important à jouer dans l’évolution des universités, essentiellement dans les domaines de la formation professionnelle et de l’amélioration de la vie étudiante (logement et transport notamment). Elles devront être plus étroitement associées aux décisions et à la gouvernance des universités en échange de l’effort financier qu’elles consentiront.

• Les réformes structurelles dont il est question plus loin permettront également de valoriser et de développer les « ressources propres » de l’université (formation continue, redevance des brevets, contrats de recherche…) que celle-ci devrait pouvoir utiliser de manière autonome.

• La part du financement privé de l’enseignement supérieur doit également augmenter (aujourd’hui 0,1% du PIB). Ce financement reposant à la fois sur les fonds privés investis dans l’enseignement supérieur et sur le paiement des droits d’inscription par les étudiants. Ce sont ces deux ressources qu’il faut augmenter en soutien de l’effort réalisé par la collectivité nationale et les collectivités territoriales.

• L’apport de fonds privés pourrait se faire par l’intermédiaire de fondations au statut spécifique que pourraient créer les entreprises – ou des groupements d’entreprises lorsque celles-ci ont une taille insuffisante. Il pourrait également se faire sur des projets définis en commun par l’université notamment, la puissance publique et les apporteurs de fonds privés suivant une logique de contractualisation public-privé. Ces deux voies permettant d’impliquer de nouveaux acteurs dans l’enseignement supérieur tout en régulant l’emprise de ceux-ci sur la définition de l’offre de formation.

• Une réforme en profondeur de l’université doit aborder de front la question de l’augmentation des droits d’inscription. A la fois pour des raisons d’efficience budgétaire (coût croissant des études, insuffisance des financements publics, nécessaire autonomie de gestion des établissements…) et pour des raisons d’équité (le système actuel de droits d’inscription identiques pour tous, soit environ 150 euros, favorise les étudiants issus des familles les plus aisées). De plus la quasi-gratuité du service n’encourage pas l’usager à la responsabilisation : inscriptions de « faux étudiants » qui bénéficient ainsi des droits liés au statut (sécurité sociale, carte d’étudiant, prêts préférentiels…), dilettantisme vis-à-vis des examens et des obligations de scolarité, absence de respect des locaux, du matériel et de la fonction enseignante…

• L’acceptabilité d’une réforme des droits d’inscription pour les étudiants (à travers leurs syndicats en particulier) ne pourra se faire qu’à deux conditions : une amélioration substantielle des conditions de la vie étudiante (logement, conditions matérielles et pédagogiques d’étude, accès à l’emploi pendant les études…) ainsi que la mise en place d’un système de bourses et de prêts considérablement développé – dont la réforme anglaise en cours pourrait fournir un bon exemple. Aujourd’hui, les frais liés à la vie étudiante sont financés à 40% par des emplois parallèles en cours d’études, à 35% par les familles et à 25% par les systèmes d’aide publique (bourses notamment). Il est donc indispensable de développer à la fois cette aide et les prêts aux étudiants.